
Une convention des Nations unies sur les droits des personnes âgées : Renforcer les droits du travail et la solidarité intergénérationnelle
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Le 3 avril 2025, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDH) à Genève a adopté une résolution historique établissant un groupe de travail intergouvernemental chargé de rédiger un instrument juridiquement contraignant sur les droits de l’homme des personnes âgées. Cette étape historique marque le premier pas formel vers une convention des Nations unies spécifiquement dédiée aux personnes âgées, en réponse à des années de plaidoyer et de preuves soulignant les lacunes des cadres de protection internationaux.
La résolution – A/HRC/58/L.24/Rev.1 – a été adoptée avec un large soutien des États membres et reflète la reconnaissance mondiale croissante du fait que les droits des personnes âgées doivent être promus, protégés et respectés sur la base de l’égalité avec les autres. Elle fait suite à plus d’une décennie de travaux menés à New York par le groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement, qui a mis en évidence des lacunes considérables en matière de protection juridique et pratique.
Cette évolution revêt une importance évidente pour toutes les entités engagées en faveur des droits de l’homme, y compris l’Organisation internationale du travail. L’OIT, en tant qu’agence spécialisée des Nations unies dotée d’une fonction normative unique, affirme fièrement que les droits du travail sont des droits de l’homme. À ce titre, il est essentiel de reconnaître l’interdépendance et la complémentarité des normes en matière de droits de l’homme – civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.
Les droits de l’homme doivent couvrir toutes les dimensions de la vie, y compris les questions liées à l’autonomie personnelle, à la participation et à la protection dans la vieillesse, et pas seulement dans la sphère de l’emploi. Si les normes internationales du travail soutiennent déjà les droits des personnes âgées dans le monde du travail, des lacunes importantes subsistent dans le paysage plus large des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels en dehors de l’emploi formel. L’adoption d’une convention des Nations unies sur les droits des personnes âgées permettrait non seulement de réaffirmer les protections existantes dans le cadre normatif de l’Organisation internationale du travail, mais aussi de les compléter en comblant ces lacunes critiques, offrant ainsi un instrument des droits de l’homme plus complet et plus inclusif.
Ce qu’apporterait une convention
Une convention des Nations unies sur les droits des personnes âgées ne comblerait pas seulement une lacune normative persistante dans le système international des droits de l’homme, elle remodèlerait la manière dont nous valorisons, soutenons et protégeons les personnes âgées dans toutes les dimensions de la vie.
Si les normes internationales du travail de l’OIT offrent déjà un cadre solide pour les droits au travail, y compris la protection sociale et la non-discrimination, il subsiste des lacunes juridiques et politiques critiques dans des domaines autres que l’emploi. Il s’agit notamment des droits à la santé, aux soins, à l’autonomie, à la participation et à la protection contre la violence et l’abandon, des droits souvent négligés ou protégés de manière incohérente dans les instruments existants.
Une convention le ferait :
- Affirmer que les droits de l’homme ne diminuent pas avec l’âge, en veillant à ce que les personnes âgées sont traités comme des titulaires de droits à part entière, et non comme des bénéficiaires passifs de soins.
- Fournir une clarté juridique et des obligations contraignantes, en éliminant
l’ambiguïté dans l’application des normes relatives aux droits de l’homme aux
personnes âgées. - S’attaquer à l’âgisme structurel qui sape la dignité, l’autonomie et la visibilité des
personnes âgées dans les politiques, les services et la vie sociale. - Renforcer les mécanismes de responsabilité, en fournissant des outils d’examen,
d’amélioration et de recours. - Promouvoir un développement inclusif, où les personnes âgées peuvent accéder à
la santé, au logement, à l’éducation, à la technologie, aux soins et à la capacité
juridique dans des conditions d’égalité. - Protéger contre la violence et la négligence, en reconnaissant légalement les blessures physiques, les abus émotionnels, financiers et institutionnels.
- Réduire la fracture numérique, en veillant à ce que les personnes âgées ne soient pas
exclues des services numériques et de la participation sociale. - Soutenir les migrants, les réfugiés et les apatrides âgés, qui se trouvent
souvent à l’intersection de multiples vulnérabilités. - Promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, en particulier pour les femmes
âgées qui subissent des désavantages tout au long de leur vie, aggravés par la vieillesse.
Il est important de noter qu’une convention renforcerait la pertinence de l’agenda de l’OIT pour le travail décent. Elle compléterait – et non dupliquerait – les instruments de l’OIT en étendant la protection aux personnes qui ne font pas partie de la population active, qui occupent un emploi informel ou qui se trouvent à un stade avancé de leur vie, où le soutien, l’autonomie et la participation sont primordiaux.
Plusieurs instruments de l’OIT constituent déjà une base solide pour faire progresser les droits des personnes âgées dans le monde du travail. Il s’agit notamment des instruments suivants :
- La convention n° 102 sur la norme minimale de sécurité sociale, qui décrit les protections essentielles telles que le maintien du revenu et les soins de santé ;
- La recommandation n° 202 sur les socles de protection sociale, qui met l’accent sur l’accès universel à la sécurité du revenu de base et aux soins de santé essentiels tout au long de la vie ;
- La convention n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession), qui interdit la discrimination dans l’emploi fondée sur l’âge et d’autres caractéristiques ;
La recommandation n° 162 sur les travailleurs âgés, qui encourage les politiques
favorisant le vieillissement actif et le maintien dans l’emploi ; - Les conventions n° 155 et 187 sur la sécurité et la santé au travail, qui traitent de la nécessité d’environnements de travail sûrs, ce qui est particulièrement important pour les travailleurs âgés qui peuvent être plus vulnérables ;
- La convention n° 122 sur la politique de l’emploi, qui promeut l’accès au plein
emploi, productif et librement choisi, quel que soit l’âge ; - La convention n° 158 sur le licenciement, qui prévoit des garanties contre les licenciements arbitraires ou injustes, s’applique aux personnes âgées confrontées à des préjugés liés à l’âge en matière de maintien dans l’emploi.
Ensemble, ces normes constituent un cadre politique global aligné sur l’approche fondée sur les droits de l’homme de la nouvelle convention.
Une plateforme pour la justice sociale et le développement durable
D’ici 2050, les personnes âgées de 65 ans et plus représenteront près de 17 % de la population mondiale. Les travailleurs âgés sont de plus en plus présents sur les marchés du travail formel et informel et sont confrontés à des défis liés à la discrimination fondée sur l’âge, à des conditions de travail dangereuses, à l’insécurité des revenus et à une protection sociale inadéquate. Le respect de leurs droits contribue à la justice sociale, à la réduction de la pauvreté et à la solidarité intergénérationnelle.
Les principes de l’OIT en matière de travail décent (salaires équitables, non-discrimination, environnement de travail sûr et accès à une sécurité sociale adéquate) font partie intégrante de la promotion des droits et de la dignité des personnes âgées. Une convention des Nations unies les complétera dans un cadre mondial cohérent des droits de l’homme.
Au-delà de son importance juridique et technique, la décision du Conseil des droits de l’homme envoie un message politique fort : les droits humains des personnes âgées sont importants et la lutte contre l’âgisme et l’exclusion est une responsabilité partagée. Le processus d’élaboration de la convention en cours offre la possibilité d’approfondir les synergies au sein du système des Nations unies, y compris avec le travail normatif et technique de l’OIT.
Cette avancée n’est pas seulement une question de droits de l’homme, c’est un engagement en faveur de la justice sociale, du respect et de la solidarité intergénérationnelle qui profite à tous les membres de la société, aujourd’hui et à l’avenir.
Alejandro Bonilla Garcia
Genève, juin 2025