Nouvelles du retour bureaux au siège du BIT – 28 août 2020

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Extrait Intranet BIT 28 août 2020

Statut actuel pour le retour au bureau

  • Les 310 membres du personnel autorisés à intégrer cette prochaine étape porteront à environ 830 personnes le nombre total de celles et ceux ayant obtenu le feu vert médical et celui de HRD pour revenir au bureau, un maximum de 700 personnes (soit 56% de l’ensemble des membres du personnel au siège) étant autorisées à se trouver en même temps dans le bâtiment. Cette limite a été déterminée à la suite d’une évaluation rigoureuse des mesures de santé et de sécurité, en particulier la nécessité de respecter partout une distanciation physique de 2 mètres.
  • Les membres du personnel qui n’ont pas reçu l’autorisation de revenir au bureau continueront le télétravail et celles et ceux qui suivent un système de rotation alterneront entre télétravail et présence au bureau.
  • Le personnel de l’UNICEF qui s’installera dans le bâtiment du BIT suivra une démarche similaire à celle du BIT.

Outil en ligne dédié à l’horaire d’arrivée au siège:

  • Afin de permettre de coordonner les heures d’arrivée ainsi que l’utilisation de la cafétéria, les membres du personnel devront indiquer leurs horaires préférés d’arrivée et de pauses en utilisant un outil en ligne dédié à cet effet.
  • Ce nouvel outil constitue une mesure supplémentaire de sécurité afin d’optimiser le respect des mesures de distanciation physique pendant les périodes d’affluence. Opérant de manière anonyme, il contribuera à limiter le nombre de personnes arrivant ou déjeunant à la même heure.
  • Afin de faciliter l’étalement des arrivées et des départs du siège, les horaires de travail obligatoires ont été suspendus. Cependant, l’ensemble du personnel doit effectuer un horaire hebdomadaire habituel de travail de 8 heures par jour, ou 40 heures par semaine, quelle que soit l’heure d’arrivée.

Le BIT hors des écrans radar / Michel Voirin

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C’est souvent par la presse que les retraités résidant hors de Genève ont des nouvelles du BIT. Les lecteurs du journal Le Monde ont ainsi pu prendre connaissance le 20 mars 2020 d’une étude « de l’OIT » (le BIT n’étant pas cité) concernant les conséquences du coronavirus sur l’emploi dans le monde, mais ils n’ont sans doute pas manqué de tiquer, comme moi, en voyant une fois de plus le DG qualifié de Directeur général de l’OIT. Ce n’est certes pas la première fois que cette appellation apparaît dans la presse même si c’est encore assez récent. J’avais d’abord cru à la méprise d’un journaliste mais un sondage dans le Guardian en ligne m’avait montré que la pratique était généralisée et ne faisait sans doute que refléter des communiqués du service de presse du BIT. Les observateurs extérieurs apprennent d’ailleurs, toujours par les médias, que le changement ne se limite pas au DG et que les chefs d’unités administratives du Bureau, lorsque leur activité est évoquée, se disent eux aussi, « de l’OIT ».

Le recul pris par les retraités par rapport au Bureau et à ses instances dirigeantes les autorise à s’interroger dans les pages de Message sur les raisons, le bien-fondé et la portée du nouvel usage. S’agit-il d’harmoniser l’appellation du Directeur général avec celles des chefs de Secrétariat des autres institutions spécialisées de la famille des Nations-Unis ? ou de chercher à donner plus de poids au DG en se référant à l’OIT ? Un tel changement a malheureusement pour contrepartie, qu’on le veuille ou non, d’occulter le BIT. Il revient à considérer comme négligeable l’identité qu’avaient conférée au Bureau les fondateurs de l’Organisation, car, au-delà du titre emblématique du Directeur général, c’est la spécificité même du Bureau qui est en cause. Un tel changement aboutit à ravaler au rang de simple Secrétariat l’institution hautement réputée qu’il était advenu sous l’impulsion et la lancée d’Albert Thomas, et dont l’expertise, référence obligée, était universellement reconnue. Aurais-je donc passé l’essentiel de ma carrière dans une institution fantôme ? Le BIT cède, il est vrai, du terrain à l’OCDE dont les travaux, qui concerne les membres de celle-ci. Mais, à la retraite pour ma part depuis 1990, je ne puis témoigner que de la période que j’ai connue.

Soyons clairs : l’appellation « Directeur général de l’OIT » est dépourvue de tout fondement car le poste correspondant n’existe pas. La pérennisation de cette nouvelle appellation serait même contraire à la constitution de l’OIT, qui dispose en son article 2, faut-il le rappeler, que l’Organisation comprend une Conférence générale, un Conseil d’administration et le Bureau international du Travail sous la direction d’un Conseil et, en son article 8, que le Directeur général est désigné par le Conseil d’administration.

Rien n’interdirait, bien sûr, d’amender la constitution. Je ne sache pas qu’une procédure en ce sens, dont le déroulement pourrait se révéler long, ait été engagée. Je doute même que le Conseil d’administration serait enclin à mettre à l’ordre du jour de la Conférence un projet d’amendement qui reviendrait à diminuer ses propres prérogatives. La réforme impliquerait en effet la nomination du Directeur non plus par le Conseil mais par la Conférence comme dans les autres institutions spécialisées. Si tel était le cas, un candidat issu d’une confédération internationale de travailleurs aurait d’ailleurs à l’avenir moins de chance d’être désigné car, comme chacun sait, les représentants des travailleurs comme ceux des employeurs ont moins de poids à la Conférence qu’au Conseil par rapport à ceux des gouvernements, étant donné la différence de répartition des sièges entres les groupes.

Les tenants et aboutissants d’un changement d’appellation du Directeur général et, à sa suite, des services du Bureau ont-ils été évalués ? Il est permis d’en douter et de penser qu’on ne s’est pas embarrassé de la légalité ou plutôt de la constitutionalité de cette opération. Comme le BIT est la seule composante permanente de l’Organisation, beaucoup en viennent, il est vrai, parfois à penser qu’il incarne l’OIT. Mais explication n’est pas justification et un changement de titulature du Directeur général ne peut être fondée sur une confusion. Faute d’amendement de la constitution elle-même, ce que personne semble-t-il n’a envisagé, ce changement de titre ne peut être qu’une pratique et ne revêt aucun caractère définitif bien que des habitudes se prennent. En interne, même si certains membres du personnel sont peut-être conscients de l’inconséquence de la nouvelle titulature, ils ne se sont bien sûr pas hasardés, on le comprend, à reconnaître que « le roi est nu » ; quant aux nouvelles générations d’actifs voire de retraités qui ne sont sans doute pas conscientes de la notoriété et de la réputation du BIT ainsi que du capital que cela représente, elles ne mesurent peut-être pas non plus que la nouvelle pratique récente conduit à la disparition du Bureau de la scène internationale par sa sortie, en quelque sorte, des écrans radar. On ne saurait pourtant pas assez souligner que l’existence et la spécificité du Bureau international du Travail constituent, de même que le tripartisme, une particularité qu’il convient d’assumer et non d’occulter.


Comment le Bureau international du Travail s’est installé à Genève ? / Pierre Sayour

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L’article « Comment le Bureau international du Travail s’est installé à Genève ? » est paru dans le numéro 48 d’octobre 2019 de la Revue Passé Simple, mensuel romand d’histoire et d’archéologie’ sous le titre « Le Bureau international du travail ancre la vocation internationale de Genève » :

http://www.passesimple.ch/anciens_num.php.

C’est avec l’accord de la revue que nous le publions.

En 2019, le Bureau international du Travail (BIT) a fêté ses 100 ans. L’organisation fait partie du paysage genevois depuis 1920. Après la première guerre mondiale, la population du canton de Genève ne dépasse pas 200 000 âmes. Pourquoi le BIT s’installe-t-il dans cette ville et non dans une capitale de l’importance de Paris, de Londres ou de Bruxelles? Cette décision a toute son importance puisqu’elle contraint la Société des Nations (SdN), devenue l’Organisation des Nations Unies (ONU), à prendre également ses quartiers à Genève.

Le Traité de Versailles – 1919

En 1919, à la suite de la première guerre mondiale, les Alliés et les vaincus se retrouvent dans le cadre de la Conférence de Paris afin d’élaborer des traités de paix. Les discussions aboutissent à la signature du Traité de Versailles le 28 juin 1919. Au sein de cette conférence, la Commission de la législation internationale du travail prépare la partie XIII du Traité de Versailles, celle qui instaure l’Organisation internationale du Travail (OIT). Cette commission se compose de délégués de plusieurs pays. Ceux de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis y sont particulièrement actifs et influents; de plus ils sont accompagnés de représentants d’organisations de travailleurs et d’employeurs. Le traité de Versailles fonde l’OIT. Le BIT en constitue le secrétariat et la Conférence internationale du Travail l’organe suprême. Le traité précise que «le Bureau international du travail sera établi au siège de la Société des Nations et fera partie de l’ensemble des institutions de la Société» et qu’il «sera placé sous la direction d’un Conseil d’administration». Par ailleurs le document stipule que cette organisation sera tripartite, comportant dans ses instances des représentants des gouvernements, d’organisations syndicales et d’employeurs, et que «la première session de la Conférence aura lieu au mois d’octobre 1919».

Depuis la fin du XIXe siècle, nombres d’institutions et de personnes s’intéressent aux conditions de travail (temps de travail, sécurité dans les usines, conditions de travail des mineurs, des marins, des femmes, des enfants…). Après la Grande Guerre et ses 18,5 millions de victimes et après la révolution russe de 1917, les pays vainqueurs ne peuvent plus écarter la question sociale dans leurs discussions. Ils savent qu’il n’y aura pas de paix durable sans justice sociale.

Albert Thomas

La première Conférence internationale du Travail se tient à Washington en novembre 1919. En janvier 1920, le Conseil d’administration élit Albert Thomas Directeur. Albert Thomas est français, député socialiste et un ancien ministre de l’armement pendant la Grande Guerre. Doté d’une personnalité énergique, il insuffle son dynamisme à la nouvelle organisation. La petite équipe du Bureau s’installe à Londres dans une résidence privée. Elle compte déjà en son sein deux futurs directeurs du Bureau, Harold Butler (1883-1951) et Edward Phelan (1888-1967). Ils ont d’ailleurs joué un rôle de premier plan lors de cette première session de la Conférence. Tous deux ont fait partie de la délégation du Royaume-Uni à la Conférence de la Paix de Paris. Durant cette période, les fonctionnaires du Bureau doivent suivre le mouvement des réunions et siéger à Washington, à Paris et à Londres.

Albert Thomas souhaite mettre fin aux voyages incessants du Bureau. Au printemps 1920, raconte son futur chef de cabinet Marius Viple (1891-1949), «il était décidé à faire un coup d’éclat pour installer coûte que coûte ses services à Genève». Albert Thomas livre alors son analyse de la situation:

«La partie sera rude car le Secrétaire général de la SdN et ses collaborateurs politiques sont contre Genève. Le Conseil Exécutif de la SdN et le Conseil Suprême des Alliés dirige toute la manœuvre. J’ai pour moi le Traité de Paix, qui déclare que le siège de la SdN sera établi à Genève, mais qui prévoit également que le Conseil de la SdN peut, à tout moment, décider de l’établir en tout autre lieu. Or, le Président Wilson n’est plus là pour défendre la ville qu’il a choisie. Et il est clair maintenant que les Etats-Unis ne participeront pas à la SdN qu’ils ont pourtant si puissamment contribué à créer. La volonté arrêtée des Gouvernements qui comptent est maintenant de substituer Bruxelles à Genève, car Bruxelles est plus près de Londres et de Paris, et les Cabinets anglais et français entendent bien en profiter pour tenter de prendre le gouvernement des organisations internationales naissantes. Et c’est ce que je suis bien décidé à éviter à tout prix. L’heure est venue pour moi de dénoncer publiquement toutes ces intrigues.»

Le Traité de Versailles stipule que le BIT devait avoir son siège au même endroit que la SdN. Albert Thomas propose à la SdN que le siège du BIT soit transféré de Londres à Genève, mais Sir Eric Drummond, le premier secrétaire général de la SdN, est opposé à ce choix. Albert Thomas défend alors avec détermination son choix devant son Conseil d’administration: «Un changement de siège serait de nature à aliéner l’adhésion d’un certain nombre d’Etats qui voient dans le choix de Genève la preuve d’un désir d’impartialité… Nous déclarons clairement que nous ne pouvons sacrifier l’avenir et l’existence même du Bureau à cause d’hésitations et de calculs du Secrétariat de la Société des Nations ou du Conseil.»

Lors de sa troisième session à Londres en mars 1920, le Conseil d’administration approuve un budget de GBP 41 500 pour le transfert du Bureau à Genève et le 16 mai 1920, la Suisse se prononce en faveur de l’adhésion de la Confédération à la Société des Nations. La SdN et son secrétaire général n’en continuent pas moins à souhaiter une autre ville-siège, Bruxelles. Le Traité de Paix stipule que la première assemblée de la Société des Nations devait être convoquée par le Président des États-Unis, Woodrow Wilson. Ce dernier envoie un télégramme à Sir Eric Drummond le 16 juillet 1920: «A la requête du conseil de la Société des Nations demandant que je convoque une réunion de l’Assemblée de la Société des Nations, j’ai l’honneur, conformément aux dispositions de l’article 5 de la Convention de la Société des Nations, d’inviter l’Assemblée de la Société à se réunir dans la ville de Genève, siège de la Société, le 15 novembre 1920, à 11 heures.» C’est ainsi que s’affirme le rôle prépondérant de Genève en tant que ville destinée à accueillir de nombreuses organisations et agences internationales. Albert Thomas a contribué à cette dynamique et par cette action, l’OIT a également affirmé une indépendance dans ses actions face à la SdN.

Il est aussi vrai que la création du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Genève en 1863 et son développement considérable pendant la première guerre mondiale ont préparé le terrain.

C’est ainsi que le Bureau déménage en juillet 1920 au bâtiment de la Châtelaine à Genève, aujourd’hui occupé par le CICR. Cette bâtisse abritait l’ancien Pensionnat Thudicum, du nom de la famille qui l’avait créée. Celle-ci devenant trop petite, un nouveau bâtiment est construit en 1926 au bord du lac Léman. Durant la deuxième guerre mondiale, sous la direction de John Winant, pour des raisons de sécurité, une partie du personnel doit quitter Genève en mai 1940 et s’installe dans des locaux de l’Université McGill à Montréal (Canada). De par les termes de la Constitution, le Bureau ne peut pas légalement quitter Genève et doit rester dans la même ville que la SdN. Le Bureau poursuit donc ses activités sous le titre de «Centre de travail» auprès de nombreux pays durant la guerre. M. Edward Phelan devient en 1941 le quatrième Directeur général du Bureau.

Dans les années soixante, le Bureau comprend plus de 2 000 collaborateurs et le bâtiment de la rue de Lausanne devient trop exigu. Le BIT se voit notamment contraint de louer des locaux au Grand-Saconnex. En 1969, le Bureau entreprend la construction du bâtiment qu’il occupe depuis 1973. Il s’agit d’une construction de 13 étages, de 200 mètres de long en forme de lentille concave divergente. Cette structure est due aux architectes E. Beaudoin (France), P.L. Nervi (Italie) et A. Camenzind (Suisse). La bâtisse reste encore aujourd’hui d’une grande originalité architecturale. Sa rénovation récente confirme sa modernité. De par son emplacement, les fonctionnaires peuvent profiter d’une magnifique vue sur Genève et sur ses environs.

Sources

«Les singulières mais prodigieuses années du BIT» par Marius Viple, paru dans Message no 65, 2019.

«Le Bureau international du Travail à Genève a cinquante ans» par Henri Villy, paru dans Union, 1970.

«Comment le BIT a ouvert la voie de Genève à la Société des Nations» par Yvan Elsmark, paru dans Lettre aux anciens fonctionnaires (Section des anciens fonctionnaires du Syndicat du Personnel du BIT), no 26, déc. 1999.

Procès-verbal de la troisième session du Conseil d’administration du BIT (mars 1920).


Covid-19 – Dernières nouvelles de la part du Syndicat – 8 juillet 2020

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Au siège, cette semaine de juillet voit débuter la phase 3 du retour au bureau et enfin le bâtiment reprend un peu vie. Après une certaine cacophonie la semaine dernière, les modalités de cette phase 3 ont fait l’objet de certaines clarifications de la part de l’administration, à la demande du Syndicat. Selon ce dernier, les maîtres mots d’un retour réussi échelonné sont : clarté, transparence et équité. Si, à votre niveau, ces 3 critères ne sont pas remplis, alors agissez : posez des questions, demandez à voir les listes actualisées de qui est supposé rentrer et selon quels critères car il semblerait qu’un déficit de communication persiste. Et surtout, si vous vous apercevez le jour de votre rentrée au BIT que la personne avec qui vous partagez le bureau se trouve également présente (ce qui ne doit pas être le cas car 2 personnes ou plus dans un bureau doivent faire l’objet d’une rotation hebdomadaire obligatoire), exercez votre droit de retrait.

Un avenir incertain pour le centre de Turin qui requiert notre solidarité

Vous ne le savez peut-être pas encore : le centre de formation de Turin est dans la tourmente. Ses revenus se fondent principalement sur les formations et une contribution du gouvernement italien. Aujourd’hui, les revenus se tarissent et le centre cherche des solutions pour survivre.

Le centre a donc dû commencer à se réinventer en proposant de nouveau produits et services adaptés à la situation et en cherchant des sources de fonds alternatives. Une meilleure employabilité du centre peut être envisagée par l’OIT elle-même et nous savons que l’administration y travaille. Mais un nouveau modèle d’affaire doit s’accompagner d’un dialogue social fort et fiable pour faire face à la situation difficile. Le personnel doit être impliqué dans cette nouvelle stratégie.

C’est pourquoi le Syndicat du personnel de l’OIT se joint au Syndicat du personnel du centre de Turin, sous la bannière « Une seule OIT » pour les accompagner et les soutenir dans toutes les démarches futures avec leur administration et appelle notre administration OIT à faire le maximum, pour sauver le centre et l’ensemble de son personnel qui a traversé de nombreuses épreuves pendant cette période.

Décision du TCANU (UNDT)

La décision du Tribunal du contentieux administratif des Nations unies concernant la plainte de nos collègues des Nations unies sur l’ajustement de poste de Genève a été rendue publique le 30 juin 2020. La plainte a été rejetée (voir le jugement ici).

C’est une mauvaise nouvelle car elle met définitivement l’avenir du système commun des Nations unies en péril et a des répercussions sur l’ensemble du système salarial onusien dans le monde entier. Les principes Noblemaire et Flemming sont en grave danger. Votre Syndicat doit analyser en détail ce jugement, prendre rapidement contact avec l’ensemble des associations et syndicats et des fédérations de personnels du Système commun pour discuter et décider de la prochaine stratégie à venir mais il est clair que l’avenir ne sera pas radieux et des luttes fortes sont à envisager.

Le Syndicat attend aussi de l’administration une information et/ou une position dans les meilleurs délais à ce sujet.


Communication du Bureau des Anciens du 15 juin 2020

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Chers collègues membres de la Section des Anciens,

Plusieurs mois de pandémie du coronavirus ont grandement modifié les habitudes de vie de la majorité d’entre nous. Si le virus est en recul dans de nombreux pays ce n’est malheureusement pas encore le cas partout et les risques de reprise de la maladie existent malgré les efforts que nous faisons tous en respectant les consignes de nos gouvernements.

Comme vous le savez les fonctionnaires du BIT dans tous les bureaux à travers le monde sont essentiellement en télétravail à leur domicile. Donc l’accès aux bureaux est très limité; il en est ainsi à Genève. Un retour qualifié de « graduel, progressif et échelonné » dans les bureaux est prévu selon les dispositions de l’Avis du Directeur général IGDS No 567 du 28 mai 2020.

Les membres du Bureau (Exécutif) de la Section des anciens n’ont pas pu accéder physiquement à leur bureau du BIT depuis la mi-mars. Toutefois nous pouvons consulter les courriers électroniques dans notre boîte mail (anciens@ilo.org), accéder à l’intranet du BIT et continuer à actualiser notre site web qui est hébergé dans une société extérieure au BIT.

Aussi continuez à nous contacter par mail et courrier postal quand cela est nécessaire, ce dernier étant transmis à un collègue des Anciens. Vous pouvez aussi consulter notre site web (http://www.anciens-bit-ilo.org) où nous postons les informations qui pourraient vous être utiles.

Restez en bonne santé. Nous avons durant cette période enregistré plusieurs adhésions à la Section et constaté aussi que les décès qui nous sont signalé par l’administration ne sont pas supérieurs à ceux de la même période de l’année passée.

Le Bureau des Anciens attend de reprendre ses activités dans son cadre habituel, mais reste à votre disposition, si nécessaire, durant cette période de restriction.

Des salutations cordiales vous sont transmises par les membres du Bureau de la Section des Anciens.



Crise du Coronavirus : Message du Secrétaire exécutif

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Chers(ères) collègues retraité(e)s.

 

Tout d’abord il me faut vous souhaiter une bonne santé dans cette période difficile que nous traversons.

 

Comme vous le savez peut-être le personnel du BIT à Genève travaille à présent à domicile en télé-travail. L’accès du bâtiment du BIT à Genève n’est plus possible pour nous les retraités mais les membres du Bureau de la Section des Anciens continuent à communiquer par les réseaux internet et téléphonique.

 

Je voudrais vous conseiller de consulter régulièrement le site de la CAPS et aussi celui de la Caisse des pensions qui donnent des informations régulières. Vous pouvez entrer sur les deux sites en passant par le nôtre (www.anciens-bit-ilo.org). La CAPS y indique notamment que les retraités peuvent continuer à envoyer leurs demandes de remboursement par courrier (voir aussi les 2 notes ci-jointes).

 

La réunion Centenaire du syndicat du 14 mai après-midi est reportée probablement au quatrième trimestre de cette année, la réception offerte par le Directeur général prévue le même jour en soirée étant annulée.

 

En cas de besoin vous pouvez nous envoyer un mail à l’adresse des anciens (anciens@ilo.org), nous consultons régulièrement les messages reçus.

 

Chers(ères) collègues, restons solidaires entre nous et tous ceux qui nous entourent et observons les recommandations de nos Instances publiques.

 

Bien cordialement à tous et à toutes.

 

François Kientzler

Secrétaire exécutif

Section des Anciens du BIT

 


Liens de téléchargement des documents de la CAPS :


Décès de M. Venkataraman Narasimhan / Message du SG

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Chère Kamala, chère famille et chers amis de Nari,

Je souhaite vous adresser quelques mots en tant que Secrétaire exécutif de la Section des anciens du Bureau international du travail.

Tout d’abord j’adresse au nom des retraités du BIT mais aussi au nom du Comité du Syndicat du personnel de l’OIT toutes nos condoléances à l’épouse et à la famille de Nari.

Cher Nari. Tu nous as quittés bien rapidement bien que nous avions vu ta santé décliner. Mais nous avons aussi constaté que malgré ta fatigue tu es resté fidèle jusqu’au bout à tes engagements.

En effet, ton engagement auprès de la Section des anciens- retraités du BIT a duré 23 ans; tu me l’as encore rappelé lors de la dernière visite que je t’ai faite vendredi le 13 décembre à l’hôpital.

Nari a commencé sa carrière au BIT en 1969 au Service des achats et des fournitures ; il est resté dans cette unité jusqu’au moment de son départ à la retraite en 1996.

Oui tu as été un militant fidèle dans tes engagements;  tu as été durant toutes ces années trésorier de notre Section. Précédemment tu as aussi été le trésorier du Comité du syndicat durant de nombreuses années étant membre du syndicat depuis 1969. Tu as régulièrement renouvelé ta candidature au Bureau de la Section des anciens et tu viens d’être réélu il y a quelques jours pour la période 2020-2021.

Les retraités du BIT regretteront beaucoup ton absence car tu as incarné la continuité et la fidélité de l’engagement militant et nous devons tous prendre exemple sur toi. Je sais aussi que tes engagements ont été nombreux.

Je voudrais spécialement remercier son épouse qui l’a accompagné durant toutes ces années. Elle venait régulièrement avec lui quand il se déplaçait pour les réunions et j’ai eu souvent l’occasion de partager avec eux le déjeuner.

Chers amis, nous venons de perdre un collègue et ami. Mais son souvenir restera fortement imprégné dans nos coeurs.

Je terminerais par les mots qu’une collègue, ici présente, m’a envoyé quand je lui ai annoncé le décès de Nari. La chose la plus précieuse que vous pouvez donner à votre famille, à vos amis et à vos collègues c’est « votre temps » « your time ». Nari a donné très largement son temps à ses collègues et aux associations auxquelles il appartenait.

Merci Nari pour tout ce que tu as fait pour nous.

François Kientzler
Secrétaire exécutif de la Section des anciens du BIT


Les singulières mais prodigieuses années du BIT / Marius Viple

Je voudrais ici vous indiquer dans quelles circonstances et comment fut livrée et gagnée cette première bataille du Siège, suivie ensuite de beaucoup d’autres, et qui eut pour résultat d’établir une fois pour toutes l’indépendance et l’autonomie dont le BIT s’est toujours réclamée et qui ne fut plus dès lors sérieusement contestée par personne.

C’était en avril ou en mai 19201. Malgré son insistance pressante2, je n’étais pas encore allé rejoindre Albert Thomas à Londres. Il se trouvait de passage à Paris et rentrait d’une séance agitée de la Chambre des Députés – car il était en même temps que Directeur du BIT, député socialiste, leader d’un grand parti, et il exerçait très sérieusement son mandat. Au cours de notre dîner du soir, il m’informa qu’il en avait assez de voir le BIT se déplacer de Paris à Washington, de Washington à Paris, puis de Paris à Londres et bientôt à Gênes, et qu’il était décidé à faire un coup d’éclat pour installer coûte que coûte ses services à Genève.

« La partie sera rude, me dit-il, car le Secrétaire général de la SdN et ses collaborateurs politiques sont contre Genève. Le Conseil Exécutif de la SdN est également contre et le Conseil Suprème des Allies dirige toute la manoeuvre. J’ai pour moi le Traité de Paix, qui déclare que le siège de la SdN sera établi à Genève, mais qui prévoit également que le Conseil de la SdN peut, à tout moment, décider de l’établir en tout autre lieu. Or, le Président Wilson n’est plus là pour défendre la ville qu’il a choisie. Et il est clair maintenant que les Etats-Unis ne participeront pas à la SdN qu’ils ont pourtant si puissamment contribué à créer. La volonté arrêtée des Gouvernements qui comptent est maintenant de substituer Bruxelles à Genève, car Bruxelles est plus près de Londres et de Paris, et les Cabinets anglais et français entendent bien en profiter pour tenter de prendre le gouvernement des organisations internationales naissantes. Et c’est ce que je suis bien décidé à éviter à tout prix. L’heure est venue pour moi de dénoncer publiquement toutes ces intrigues. » Je te demande auparavant de partir dès demain pour Genève et de me préciser au retour si l’Ecole Thudichum3, susceptible m’affirme-t-on de nous être louée, pourrait être utilisée comme siège éventuel du BIT4. »

Et c’est ainsi que je vins pour la première fois à Genève et que je fis, 48 heures après, rapport à mon ami pour lui confirmer que l’Ecole Thudichum pouvait fort bien, selon moi, être retenue comme installation possible5.

Dès lors, sans délai et sans répit, une inoubliable bataille diplomatique fut livrée. Avec une audace incroyable, qui stupéfie les milieux internationaux, Albert Thomas n’hésita pas à se dresser contre les deux pays certainement les plus près de son coeur, l’Angleterre et la France, puis à combattre publiquement les nouveaux projets du Conseil de la SdN et des Gouvernements de l’Entente. Dans un document officiellement adressé au Conseil d’administration mais distribué à la Presse, il écrivait : « On peut se demander si ce changement de siège n’indisposera pas un certain nombre de puissances qui avaient, dans la fixation à Genève, la preuve d’une entière impartialité. Nous déclarons tout net ne pouvoir sacrifier l’avenir du BIT et sa vie aux hésitations et aux combinaisons du secrétariat de la SdN et du Conseil exécutif.6 »

Timidement, avec beaucoup d’appréhension, la majorité du Conseil d’administration suivit son Directeur7. Genève fut choisie. Le 11 juin, le Secrétariat de la SdN fut informé de cette décision. Quelques jours après, un certain nombre de fonctionnaires restés à Londres vinrent occuper l’Ecole Thudichum8. Au début de juillet, les autres membres de l’équipe improvisée, directeur en tête, qui venaient de participer à la Conférence (maritime) du Travail tenue à Gênes, arrivaient en gare de Genève-Cornavin où ils furent accueillis par les fameux huissiers revêtus du manteau jaune et rouge et salués par les autorités de la ville et du canton qui témoignèrent à Albert Thomas9 la profonde reconnaissance qui lui était due.

Les réactions du Secrétariat de la SdN et du Conseil exécutif furent vigoureuses et leur mauvaise humeur persistante. Des contrats de collaboration, déjà conclus entre les deux organisations internationales naissantes furent dénoncés. Néanmoins, en automne de la même année, la première Assemblée de la SdN, qu’on avait imaginé de convoquer à Bruxelles, fut finalement convoquée à Genève10. C’est à Genève que le Secrétariat de la SdN s’installa d’abord provisoirement, puis définitivement. Par une politique d’audace, conçue et exécutée grâce à un homme politique bénéficiant de moyens et de relations politiques uniques, le BIT avait entraîné toute la troupe. Il avait, au surplus, démontré que l’Organisation internationale du Travail n’hésiterait pas à prendre elle-même ses décisions propres11. C’est de cette première bataille livrée et gagnée que date son indépendance reconnue et son autonomie nécessaire, qui lui furent d’un si précieux secours dans tous les actes de la vie internationale, et plus particulièrement au cours des journées tragiques de l’été 1940, lorsqu’elle décida souverainement de quitter l’Europe pour l’Amérique – décision capitale qui lui a permis de survivre à la guerre.12


Le premier siège à Genève, 1920-1926

Vous connaissez la suite. L’Institut Thudichum se révéla bientôt insuffisant. Ses petites chambres solitaires d’étudiants, autrefois occupées par quelques élèves balkaniques, étaient devenues grouillantes de vie et surpeuplées de collaborateurs recrutés sans concours, tous nommés par choix direct, et qui se révélèrent des fonctionnaires d’élite, travaillant nuit et jour avec passion pour un idéal qui leur était cher. Des baraques en bois furent successivement ajoutées au bâtiment principal. Installation étriquée, installation en meublé, installation de bohémiens, disait Albert Thomas, et qui ne donne pas des organisations internationales nouvelles l’impression de sérieux et de définitif qu’elles doivent avoir pour tous. Des plans furent établis, une propagande discrète faite près de gouvernements amis, des crédits votés et l’ancien palais du BIT construit.13

Seuls ceux qui ont vécu cette atmosphère de création peuvent se la remémorer telle qu’elle fut. Des campagnes de presse furent déclenchées, certains parlements saisis, et on dénonça les initiatives jugées par trop audacieuses du directeur du BIT. L’orage éclata. En plein construction, la majorité du Conseil décida de supprimer l’un des étages prévus pour faire face à tous les besoins. Suppression injustifiable techniquement, mais geste politique délibéré. La démonstration en fut apportée par la suite, puisque à l’étage ainsi supprimé furent plus tard substituées deux ailes à un bâtiment devenu insuffisant mais qui, de ce fait, perdit le caractère architectural qu’on avait voulu lui donner.

La tempête continua. Décision fut prise par la majorité du Conseil qu’aucun des postes précédemment prévus pour continuer le développement normal de l’Organisation ne serait pourvu. Tous les crédits demandés furent repoussés14. L’année suivante, notre budget de quelques six millions de francs fut brutalement réduit de un million, avec comme conséquence l’obligation de renvoyer un grand nombre de fonctionnaires compétents et dévoués.

A ces mesures financières draconiennes, destinées à couper net toutes nouvelles initiatives directoriales, s’ajouta l’attaque politique retentissante du Gouvernement français, qui contestait la compétence du BIT en matière de travail agricole. La Cour Permanente de Justice internationale de La Haye fut saisies15. Sans y être autorisé par le Conseil d’administration, Albert Thomas, bien que Français, ancien ministre et ancien membre du Cabinet de guerre, considéra comme un devoir de sa charge de se rendre lui-même à La Haye pour plaider en faveur du BIT contre son propre Gouvernement, qu’il fit condamner après une plaidoirie étincelante dont aucun de ceux qui l’entendirent n’a oublié le souvenir.

Mais j’ai hâte d’ajouter que, les polémiques closes, la France enfin mieux informée, s’inclina devant l’avis de la Cour de Justice et qu’elle ne fit jamais grief à Albert Thomas d’avoir loyalement accompli son devoir de directeur du BIT et de grand fonctionnaire international.

C’est au travers ces tempêtes que s’affirma à l’extérieur l’autorité du BIT. Mais il faut convenir que la plupart des Gouvernements l’avaient seulement conçu comme une direction modeste de documentation et d’exécution des articles du Traité de Paix, qui pourrait fort bien trouver sa place bureaucratique parmi les autres directions du secrétariat général de la SdN, alors que le monde ouvrier avait rêvé d’en faire l’organisation universelle puissante et efficace qu’elle est peu à peu devenue. Au cours de cette période, obtenir 50’000 francs d’augmentation sur un budget annuel était considéré par nous comme une grande victoire. C’est néanmoins au cours de ces années de lutte que l’activité constructrice de l’Organisation fut la plus intense. Presque chaque année, tous les Gouvernements d’Europe furent visités, puis l’Amérique du Sud, l’Amérique du Nord, l’Extrême-Orient16. Presque toujours, comme suite à ces visites, des Ministères du Travail furent crées partout où ils n’existaient pas. Et les techniciens qui nous suivaient, préparèrent pour de nombreux pays les premiers projets de lois d’assurances sociales auxquelles Thomas avait intéressé les Gouvernements. Des conventions nombreuses et d’une importance capitale furent votées à nos conférences et ratifiées par les Parlements17.

Aux conflits de caractère politique s’ajoutèrent, dans l’organisation des services du Bureau, des difficultés de langue, de compréhension de méthodes de travail et des malentendus quotidiens. Tous les problèmes d’une administration internationale nouvelle se trouvèrent en même temps posés. Mais peu à peu ce personnel international nouveau, recruté dans plus de 35 pays, s’entraina à travailler et à penser en commun, à improviser ses règles, ses méthodes, ses traditions. Les inquiétudes gouvernementales s’apaisèrent, la confiance ouvrière s’affirma, puissante et inébranlable. Et alors que la SdN se cherchait encore, notre expérience se révélait comme la plus extraordinaire des réussites.

Aucune amertume ne resta de cette rude période de bagarres constructives. A peine si cette phrase quelque peu mélancolique de notre premier Directeur, prononcée dans un de ses discours de Genève, permet-elle de l’évoquer: « Il faut, déclara-t-il, que ceux qui bâtissent sachent qu’ils seront offensés. Il faut qu’ils sachent résister aux attaques. Comme les citoyens de Jérusalem, il faut que sur le rempart, ils aient, en travaillant, leur épée ceinte autour des reins18. »

Construire d’une main, combattre et se défendre de l’autre, telles furent les singulières mais prodigieuses années de début de notre BIT.

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1 Deux dates sont possibles pour cette réunion, soit lorsque Albert Thomas se trouvait à Paris du 6 au 18 avril, soit pendant une brève escale qu’il fit à Paris en se rendant en Allemagne dans les premiers jours de mai.

2 2Il est plus probable que « l’insistence pressante » fut celle de Viple lui-même. Dans un document daté du 21 février 1920 (dossier CAT 413312), Thomas écrivait qu’il avait « promis à Viple de voir de quelle manière ses services pouvaient être utilisés par le BIT, dans le cadre des possibilités financières mises à sa disposition par le Conseil d’Administration ». Viple fut nommé le 14 mai, avec rétroactivité à partir du 8 mai 1920. Sa nomination comme responsable de la presse a probablement été due à la décision prise de déménager le siège de l’Organisation de Londres à Genève, ce qui ne permettait plus d’utiliser un service de guerre commun avec la Société des Nations. William Martin avait été nommé par la Société des Nations pour organiser son service de presse que le BIT partageait avec elle à Londres.

3 L’Ecole Thudichum (du nom de la famille qui l’avait créée) était le bâtiment appelé aussi La Châtelaine. C’est aujourd’hui le siège du CICR.

4 Viple a quelque peu exagéré son propre rôle dans l’implantation du BIT à Genève. En février 1920 déjà, le Directeur adjoint, Harold Butler, avait visité Genève et fait des recommandations détaillées au Directeur (dossier G 6/8). M. Parodi, de la Société des Nations, était chargé de négocier la location de l’Ecole Thudichum au nom du BIT et une option fut formellement établie le 6 mars et acceptée finalement le 17 mars 1920 (dossier G 6). Un procès-verbal daté du 17 mars, écrit probablement en vue de la discussion du Conseil d’Administration à sa session de mars 1920, dit: M. Butler et moi-même (Albert Thomas) avons visité la ville (Genève) et nous considérons que l’Ecole Thudichum se prête admirablement aux besoins du Bureau. Le 22 mars, le Conseil d’Administration a autorisé Albert Thomas à finaliser les arrangements pour l’établissement du BIT à Genève (procès-verbal du CA 3e session, 1920, p. 8). A la suite de quoi Butler a pu télégraphier le 29 mars: bail signé par le Directeur (dossier G 6).

5 Comme il n’existe aucun document concernant la visite de Viple à Genève et ses objectifs, on ne peut que spéculer sur les raisons qui ont conduit Albert Thomas à envoyer Viple à Genève, puisque la décision de louer l’Ecole Thudichum avait déjà été prise. Un aller-retour de 48 heures entre Paris et Genève n’aurait pas permis à Viple de mener une inspection ou des négociations détaillées. Viple a probablement un peu dramatisé la visite. Il est probable qu’il se soit rendu à Genève entre le 8 et le 13 mai, ce qui expliquerait la rétroactivité de sa nomination.

6  4e Session du Conseil d’Administration, juin 1920

7 La décision a été prise par le Conseil d’Administration le 8 juin 1920.

8 Le personnel venu de Londres est arrivé le premier, et le Bureau a ouvert ses portes le 7 juillet 1920 (dossier G 617). Le personnel, venu de la 2Conférence internationale maritime du Travail tenue à Gênes du 15 juin au l0 juillet 1920, est arrivé par train spécial le l4 juillet 1920. Viple a confondu les dates.

9 Albert Thomas est entré à Genève le l4 juillet.

10 La première assemblée de la Société des Nations s’est réunie à Genève le 15 novembre 1920.

11 Edward Phelan a écrit dans son livre Yes and Albert Thomas (2e édition en anglais, New York 1949, p. 242) que Albert Thomas avait clairement compris que l’Organisation internationale du Travail devait se forger en quelque sorte une personnalité à elle.

12 Comme l’a écrit C. Wilfred Jenks (The ILO in wartime, Ottawa, 1969), I’OIT a pu survivre à la disparition de la Société des Nations parce que, paradoxalement, l’autonomie qu’elle avait gagné par rapport à la SdN lui avait donné une vitalité que la paralysie de celle-ci n’a pas entamée.

13 La première pierre du bâtiment a été scellée le 2l octobre 1923, et le bâtiment occupé le 6 juin 1926.

14  Budget de 1923.

15  1922. Dans son livre (op.cit, p. 137-142), Edward Phelan fait une brillante description de cet événement important.

16 Edward Phelan a écrit (op.cit., p. 178) que l’histoire des missions d’Albert Thomas remplirait un livre entier. Chacune présentait ses propres problèmes et peu se déroulaient sans incident qui mériterait d’être mentionné.

17 En 1930, il y avait 30 conventions et 39 recommandations; 408 conventions ont été ratifiées par les Etats membres.

18  Est-ce que les lecteurs peuvent m’aider à identifier cette citation ?


Groupe de fonctionnaires autour de Harold Butler et Albert Thomas en 1922


Alice Golay (alias Rivaz) et le BIT / Ivan M.C.S. Elsmark

Alice Rivaz (1901-1998) fut une importante personnalité du monde littéraire, non seulement dans sa Suisse romande natale mais aussi en Europe, parmi les lecteurs d’ouvrages en langue française  même que grâce aux traductions faites en allemand et en italien. Au cours de sa vie, elle s’est vue décerner plusieurs prix, notamment le Prix Schiller (1942 et 1969), le Prix de la Ville de Genève (1975) et le Grand Prix Ramuz (1980). Nous n’avons pas l’intention, ici, d’aborder sa carrière littéraire en tant que telle, mais plutôt d’évoquer sa vie dans le cadre du BIT. Pour écrire cet article j’ai lu avec plaisir la plupart de ses livres et ne peux qu’engager mes anciens collègues à faire de même. IE

Qui était Alice Golay ?

Derrière le nom de plume de Rivaz se cache celui d’une fonctionnaire du BIT, Alice Golay, qui pendant plus de vingt-cinq ans servit dans différents postes: sténodactylographe, documentaliste et assistante de recherche. A une époque où les perspectives de carrière des jeunes fonctionnaires étaient limitées – et encore plus pour une femme – elle dut renoncer à ses aspirations pour gagner sa vie comme employée de bureau. Bien peu de ses supérieurs ou de ses collègues remarquèrent son talent et sa personnalité et les dossiers ne contiennent que peu d’informations à ce sujet1. Bien qu’elle ait écrit des milliers de résumés d’ouvrages et rédigé quantité de rapports et d’articles, on ne trouve aucune trace de son nom dans les publications du BIT. L’oeuvre de sa vie devait appartenir au monde des lettres.

La fille d’un socialiste  « rouge »

Alice Golay naquit le 14 août 1901 à Rovray (Vaud) où son père était alors maître d’école. En 1910, la famille s’installa à Lausanne ou Paul Golay se consacra entièrement au journalisme et à la politique au Parti Ouvrier Socialiste Vaudois : « Mon père, c’était une barbe noire, de velours très épais, et une pipe derrière un grand journal », écrit-elle dans son livre l’Alphabet du Matin ou elle se décrit elle-même comme «  la petite fille du chef socialiste ». Un vigoureux tribun et pamphlétaire qui fut membre du Grand Conseil, du Conseil communal de Lausanne et, à partir de 1925, du Conseil national. La musique a très tôt beaucoup compté dans la vie d’Alice. En 1920, elle reçut un diplôme de professeur de piano au Conservatoire de Lausanne. A son grand désespoir, la petite taille de ses mains ne lui permit pas d’accéder aux classes de virtuosité : l’amertume qu’elle ressentit de cet échec et de l’impossibilité d’embrasser une carrière artistique se reflètera plus tard dans plusieurs de ses livres. Dès lors, ne se voyant aucun avenir de professeur de piano et peu encline à trouver la sécurité dans le mariage, elle suivit en l92l un cours accéléré de sténodactylographie en vue de se préparer à un emploi de bureau.

L’engagement politique de son père ne facilita pas sa recherche d’un travail de ce genre. « Ses idées (progressistes) l’avaient jeté dans le difficile combat social et politique de ce début de siècle », à une époque où « le socialisme était l’épouvantail des honnêtes gens dans un pays où régnait le plus plat des conformismes bourgeois et religieux ».

Comment Alice Golay entra au BIT

Paul Golay était homme de décision. Sur le conseil de son ami Emil Ryser, fonctionnaire du BIT, il écrivit an octobre l92l à Albert Thomas pour lui demander un emploi pour sa fille, soulignant qu’elle avait « une bonne culture générale (et) de bons éléments (de la langue anglaise) ». Dans une réponse cordiale à cette lettre, Albert Thomas suggéra qu’Alice se présente à un concours pour le recrutement de sténodactylographes. Le 25 mars 1922, elle se soumit à une épreuve de deux heures mais faute de préparation elle échoua, se classant 36ème sur 44 candidates, de toute évidence en raison de sa mauvaise connaissance des sujets de la compétence du BIT.

Nullement découragé Paul Golay revint à la charge, exposant franchement le problème de sa fille. Il souligna que, malgré toutes ses qualifications, « fille d’un militant socialiste, elle est handicapée magnifiquement. La vie politique de son père l’entrave et la paralyse ». Ainsi était-elle rejetée par la bourgeoisie et même empêchée de poursuivre ses études d’institutrice. Il poursuivait: « Certes il serait ridicule de demander au BIT de devenir l’asile de ceux ou celles qui sont handicapés à la suite de circonstances de leur vie politique ou de celle des leurs. Cependant, je me pose la question de savoir si, sans faire de passe-droit, il serait totalement injuste de tenir compte de faits de la nature de ceux que je vous expose ».

Ce ne fut pas avant le 12 avril de l’année suivante qu’Alice Golay put participer à un nouveau concours. Mais cette fois elle était bien préparée et se classa première ! Pourtant, si elle avait espéré être ainsi engagée, elle devait être déçue. Bien qu’elle ait été recrutée pour la durée de la 6ème  Conférence internationale du Travail du 24 mai au 10 juillet 1924, aucune offre ferme ne lui fut faite. Simple négligence bureaucratique? Toujours est-il que Paul Golay fit de nouveau appel à Albert Thomas, lequel décida que le premier poste disponible qui put lui convenir serait offert à sa fille. En conséquence, en mars 1925, elle fut à nouveau recrutée pour la Conférence et, ensuite, engagée par le Bureau.

Au pool dactylographique

Le 15 juin 1925, Alice Golay entra au BIT en qualité de sténodactylographe (classe B monolangue) alfectée au Bureau de dactylographie, multigraphie et ronéo. Pour la jeune pianiste, ce dut être un choc culturel que de pénétrer dans les bureaux bourdonnants du pool dactylographique placés sous le commandement rigide de son chef, Geneviève Laverrière2, que nous pourrons reconnaître sous les traits de la belle et autoritaire Madame Fontanier dans les romans Comme le sable et Le Creux de la Vague. Dans ces livres, elle se souvient du pool comme d’une unité composée de nombreuses jeunes femmes de nationalités diverses, travaillant « dans l’atmosphère très féminine qui régnait dans le service de Mme Fontanier », chacune « ayant fait le choix de la carrière de fonctionnaire internationale, toute nouvelle alors et combien attirante (…) mais par là même commencé une existence en marge des siens et de son milieu ». Plus tard Alice devait décrire ce déchirement dans Comptez vos Jours : « J’éprouvais comme une sorte de séparation (…), séparée parce que je ne me suis pas mariée, parce que je n’ai pas eu d’enfants (…) ; séparée de mes compatriotes parce que j’ai gagné ma vie non parmi eux mais parmi des étrangers (…) ; séparée de moi-même parce qu’arrachée à celle que j’étais, tout en n’étant pas encore celle que je deviendrai quand j’en aurai fini de faire peau neuve ».

Dans ses livres, elle se souvient de la vie qui s’offrait à qui approchait le bâtiment du BIT au bord du lac : « Un grand parc planté de vieux arbres, avec une façade grise qui se cache derrière des branches. Mais lorsqu’on suivait le petit sentier couvert de feuilles mortes (…) voilà qu’on débouchait sur un parc d’automobiles, et alors, ce qui sautait tout à coup dans les yeux ce n’était pas la belle et ancienne demeure bourgeoise qu’on attendait dans un tel lieu, mais bien une grande baraque aussi laide qu’une manufacture ». Dans son journal et ses romans, elle décrit le lac  et surtout « le jardin qui entourait l’immense bureau (lui semblant) merveilleux de douceur et de mystère »; le hall d’entrée dallé de marbre, les longs corridors, le « mystérieux » pool dactylographique, les bureaux avec leurs boîtes d’entrée pleines de documents et de publications, les murs « décorés » de dossiers, les tables de travail couvertes de livres et de papiers, les fonctionnaires affairés avec leur porte-documents, les conversations sur les affaires de coeur et de bureau, les maisons de fonctionnaires où trônaient des photos d’Albert Thomas (détail véridique !)… Elle observe tout cela et le couche sur le vélin de ses romans en toile de fond de bouillonnements de l’âme humaine : amours, espoirs, déception, égoïsme, destin de femmes dans une société souvent hostile. Au début, elle avait loué une chambre quai des Bergues, mais en 1932, elle s’installa dans un petit appartement (deux pièces cuisine) au 5 avenue Théodore-Weber où elle devait demeurer jusqu’en 1992. Aux yeux d’Alice Golay, Genève apparut comme « la Babylone helvétique » tellement différente de tout ce qu’elle avait connu. De même que pour Hélène, dans son roman Le Creux de la Vague « d’année en année, sa nouvelle vie avait pris de plus en plus de place et l’ancienne de moins en moins ». Au début son chef Mme Laverrière, nota « certaines tendances au bavardage et à l’inactivité pendant les heures de travail », mais rapidement elle s’habitua à la routine du bureau et, en mai 1926, elle gagna un concours interne et fut promue au grade de commis de 1ère classe.

Piège pour documentaliste

Alice Golay dut faire face à de nouveaux défis lorsqu’elle fut transférée en juin 1926 au Service de documentation de la Section des renseignements généraux. Elle devait y passer les treize années suivantes dans les fonctions de dépouilleuse, une période de sa vie dans laquelle elle a fréquemment puisé pour ses romans. Son travail consistait en effet à dépouiller les périodiques et les documents en langue française que recevait le Bureau et à en préparer des résumés. Dans ces tâches ses dons d’analyse et de rédaction lui étaient précieux et elle fut bien notée : « le choix des articles ou des informations relevés est bien fait. Les résumés sont intelligents et consciencieux, bien que, malheureusement entachés de fautes d’étourderie (fautes de frappe, d’orthographe)”!

Le volume des tâches était extrêmement lourd et le chef, Mlle Marie Schappler, très exigeant : comme on peut encore le voir dans les dossiers, celle-ci tenait à jour des statistiques détaillées du travail accompli. L’un de ses propres rapports annuels souligne qu’elle était « exigeante pour son personnel comme pour elle-même, acharnée au travail et dévouée au service ». Alice Golay souffrait sous le poids de ce fardeau. Dans Jette ton Pain, elle a avoué qu’ « elle succombait sous une charge de travail excessive, tenue de résumer pas moins de trente-cinq articles de revues et de journaux en une seule journée, sans compter les Débats du Parlement français dont l’analyse quotidienne figurait au nombre de ses tâches, ce qui l’obligeait souvent à emporter du travail chez elle et à veiller tard dans la nuit pour en venir à bout ». Ses efforts devaient être reconnus et, en 1939, son chef la désigna comme « l’une des meilleures dépouilleuses du service ».

Premiers pas en littérature

Dans Le Creux de la Vague, l’héroïne s’interroge à propos de sa carrière : « Ai-je vraiment fait un bon choix pensa-t-elle avec un serrement de coeur tout en refermant les portes de sa voiture, comme si elle avait attendu douze ans pour se poser cette question et se mettre à rêver d’une (autre) vie qui eut pu être la sienne si elle l’avait voulu et qu’elle ne connaîtrait jamais par sa faute ». Les choix que l’on fait dans la vie, et le courage qu’il faut pour les assumer, sont un thème qui revient fréquemment dans son oeuvre. Dans Comptez vos Jours, elle pose la question du rôle des femmes à une époque où « lentement, s’élaborent de nouvelles servitudes et grandeurs féminines ».

Féministe, pacifiste et socialiste, Alice Golay était parfaitement au fait des tumultes politiques de son temps. En 1932, Genève fut frappée par une forte crise économique doublée d’agitation sociale. Ces troubles culminèrent en une énorme manifestation réprimée par l’armée. Dans ce contexte, Alice tenta en 1935 d’écrire un roman mais le manuscrit fut ultérieurement détruit. En 1935, la création d’un club, la Guilde du Livre, fut l’occasion d’un nouvel élan de son inspiration littéraire. Albert Mermoud, directeur de la Guilde, lui suggéra d’écrire un article sur cet événement et, en juillet de l’année suivante, au cours de vacances sur la Côte des Maures, elle entreprit d’écrire les premières pages de Nuages dans la Main, qui devait être publié en 1940.

Abusée

Assez naïvement Alice Golay se laissa entraîner dans une affaire sordide qui aurait pu avoir pour elle de sérieuses conséquences. Une de ses collègues, Heidi Flubacher-Stöcklin, s’était liée d’amitié avec un certain Yves Le Gallou (alias Marcel Dupan ou René Landais) qu’elle avait accepté d’aider dans la vente d’une luxueuse propriété de Barcelone, soi-disant réalisée au profit de l’enfant en bas âge de cet homme. A l’occasion d’un séjour de Le Gallou à Genève, croyant avoir affaire à un objecteur de conscience, Alice Golay avait accepté de l’héberger chez elle pour quelques nuits et d’y garder en dépôt une malle. Il s’avéra plus tard que le personnage était un escroc et un voleur et que cette malle recelait des marchandises volées. Après son arrestation Alice Golay fut appelée à témoigner dans cette affaire dont la presse genevoise s’était largement emparée. Il en résulta qu’elle fut suspendue de ses fonctions le 27 décembrc 1939 en attendant les résultats d’une enquête disciplinaire. Après que le tribunal eut abandonné toutes charges contre elle, elle démissionna volontairement le 3l janvier 1940, dans le cadre du Plan général de réduction de personnel pour la durée de la guerre et reçut environ 20.000 Francs de la Caisse des Pensions.

Une nouvelle vie

Dans son journal intime (Carnets, 1939-1982), elle écrivit : « Mon dernier jour au Bureau je le passe à faire de l’ordre dans mes tiroirs et placards (…) Il y a quatorze ans et huit mois que je travaillais dans ces murs, râlant de passer ma vie, enfermée du matin au soir, à la gagner. Or j’éprouve aujourd’hui une sorte de déchirement à l’idée de ce départ. Cette table, ce bureau, ces deux grandes fenêtres où vivaient de si beaux arbres, les ciels changeants où passaient les nuages, tout ça durant quatorze ans et huit mois je le regardais souvent tout en travaillant. Cette sorte de deuxième home que devient peu à peu un bureau où l’on vit toutes ses journées. Surtout un bureau comme le nôtre, ainsi que me le disait hier Liliane, « où nous avons trouvé bien autre chose qu’un gagne-pain ». Oui, bien autre chose, nos amitiés, nos amours. C’est durant ces années si importantes de notre jeunesse, que nos coeurs ont poussé de longues et fortes racines. »

Comme chez tant d’autres qui, soudain, s’arrêtent de travailler, la fin de la routine quotidienne laissa en elle un vide inattendu. Elle confesse dans son journal : « Hier premier jour de liberté. Ai-je désiré souvent cette libération qui me permettrait d’écrire ! Or ma réaction fut inattendue. Je n’avais envie ni d’écrire, ni de peindre, ni de faire de la musique. Pour la première fois, j’aurais préféré travailler au bureau ! (…) Je ne savais pas avoir à ce point besoin des autres, c’est à dire de la présence de mes amis et camarades de travail. Cet élan, cette exaltation, cette énergie intérieure que je croyais mes biens propres, ce sont eux qui me les donnaient. D’en avoir rencontré quelques-uns, je me sens revivre. Je recommence à voir, à entendre. Et voilà la raison qui m’a permis d’écrire ces trois pages : « j’ai communiqué avec les autres ».

Temps de guerre et travaux littéraire

La guerre a éclaté en Europe, Alice se retrouve sans emploi, mais elle a reçu « le plus beau des cadeaux : le temps d’écrire ». En juillet 1940, elle a terminé Nuages dans la Main que publie la Guilde du Livre en décembre suivant sur la recommandation de l’écrivain célèbre C.-F. Ramuz. Ses parents découvrent avec surprise ses travaux littéraires et leur réaction est mitigée. Paul Golay lui détaille dans une lettre ce qu’il considère comme des « fautes » dans l’ouvrage et lui recommande de tout recommencer. Sa mère la conjure de supprimer certaines pages qu’elle trouve « scandaleuses ». Pour protéger sa famille et son nom, Alice Golay choisit le nom de plume d’Alice Rivaz (du nom d’un village proche de son lieu de naissance). Plus tard, dans son livre Ce Nom qui n’est pas le Mien, elle parlera de cette double personnalité qu’elle a dû assumer, navigant entre Charybde et Scylla, souhaitant garder secrète sa vie privée, tout en s’exposant pour être connue et reconnue.

En 1942, René Julliard obtint les droits pour la France. On entreprit quelques changements de vocabulaire et l’on supprima, en raison de l’occupation, toute référence à Hitler et à la guerre. Dans une préface, l’académicien Edmond Jaloux critiqua certains « helvétismes et négligences de style » – qui effectivement ont été corrigés dans la nouvelle édition – et il se lança dans une attaque contre les organisations internationales, en particulier contre I’OIT. Ceci provoqua un conflit avec Alice Golay qui en avait découvert le texte sur les épreuves. A sa demande expresse, la référence à I’OIT fut supprimée. Tout comme son père, elle savait montrer courage et fermeté.

Dans les années qui suivirent, elle écrivit plusieurs romans sous son nom de plume Alice Rivaz ; parmi lesquels Comme le Sable fut publié en 1946 et Paix des Ruches en 1947 et une anthologie de la poésie française en 1942 ; tout en traduisant, avec son ancienne collègue Suzanne Fontana le roman de John Brophy : Immortal Sergeant. Sous son vrai nom elle écrivit aussi des articles pour diverses publications, consacrés surtout aux questions féministes et sociales. Pour assurer ses fins de mois, elle accepta un certain nombre d’emplois temporaires ; ainsi au Bureau de Presse anglo-américain qui lui servit de toile de fond pour son roman La Paix des Ruches (1947).

Temps difficiles au BIT

Avec la fin de la guerre, le Bureau de Presse ferma ses portes en août 1945 et Alice Golay se retrouva sans travail. Dans ces circonstances, dès le 5 avril 1946, elle demanda sa réintégration au BIT, mais ce ne fut qu’après le retour à Genève du « Centre de Travail » et l’intervention du syndicaliste suisse Charles Schürch qu’elle y fut réengagée en novembre 1948 ; non comme documentaliste, mais comme commis au Registry ! Une décision pour le moins surprenante compte tenu de sa carrière passée et de sa réussite littéraire, mais il semble qu’il n’y eut alors aucune autre vacance de poste et elle avait un besoin critique de travailler.

Les trois années qui suivirent furent probablement pour elle les plus frustrantes et les plus physiquement exténuantes. Assignée à la tâche de l’enregistrement du courrier « arrivée », elle n’avait ni l’expérience ni la force physique de faire face aux tâches qui lui étaient imposées. Le personnel travaillait sous l’oeil vigilant du chef du Registry, Gustave Dubourg et de son assistante, Mme Marthe Barambon, qui, à travers la paroi vitrée d’une pièce voisine, surveillaient l’activité du service. Les exigences du travail étaient avant tout manuelles, notera Dubourg : « En dehors des qualités physiques des candidats, les inscriptions dans les différents registres obligent à rester debout pendant de longues heures ».

L’activité littéraire d’Alice marqua alors le pas. Elle s’en plaignit dans son journal : « Sept mois de silence et d’indicibles souffrances morales dans une sorte de fixité de tout, malgré mon changement de vie et ma rentrée au BIT et l’obligation de me concentrer sur un travail qu’on me dit temporaire, lequel est tout à fait contraire à mes goûts et ne correspond pas à mes connaissances professionnelles, vrai travail de manoeuvre s’effectuant debout, consistant à déplacer et à replacer des fiches dans des classeurs très difficiles à ouvrir et à fermer. (…) J’apprends à mon tour que la fatigue du corps, des muscles, des jambes, du dos, de la nuque, ne crée en vous qu’un seul et profond besoin : celui de se coucher, de s’anéantir dans le sommeil une fois terminée la corvée journalière ».

Son rapport annuel pour 1949, tout en reconnaissant sa bonne volonté et son intérêt pour les activités du BIT, critique sa connaissance insuffisante du travail et des procédures du Registry. Il en résulta que la commission d’avancement prolongea sa période d’essai et refusa son augmentation annuelle.

Tout en considérant que « Mlle Golay n’était probablement pas faite pour les tâches qui lui ont été assignées au Registry, (la commission recommanda que) si et quand une vacance de poste se présenterait dans un autre service, une possibilité de transfert lui soit offerte ».

L’année suivante le rapport fut plus favorable et son engagement confirmé. Le ciel commençait à s’éclaircir. Elle fut promue « membre de division adjoint » (l’équivalent d’un P1) et, le 1er septembre 1949, transférée à la Division de la main d’œuvre.

Affaires de famille

Hélas, ce tournant favorable dans sa vie professionnelle s’accompagna de graves soucis familiaux. Son père, Paul Golay, était décédé en juin 1951. Avec l’aide de sa mère, elle publia rapidement la même année, sous le titre Terre de Justice, une compilation de ses écris politiques sélectionnés parmi quelques 7000 articles. Le père et la fille possédaient tous deux un réel talent de plume, mais Paul Golay n’avait jamais eu d’ambition littéraire, ses écrits n’ayant été qu’un instrument au service de sa lutte pour le triomphe de ses convictions.

La mère d’Alice, Marie Golay, déménagea alors à Genève pour vivre auprès de sa fille dans le modeste appartement de celle-ci. En dépit de leur amour réciproque, leur vie commune tourna à l’aigre. Alice Golay y vit un nouvel obstacle à son besoin d’écrire. Elle devait plus tard s’inspirer de cette expérience dans le chapitre IX de Comptez vos jours et dans Jette ton Pain. Elle y décrit avec émotion et honnêteté la tension entre les deux femmes, pudiquement nommées Mme Grace et sa fille Christine.

Un nouveau départ

Au BIT, Alice Golay était enfin parvenue à un poste où sa compétence et son expérience furent appréciées. Après quatre mois à la Section de la formation professionnelle, elle gagna un concours et fut nommée le 1er  juin 1952 assistante de recherche à la Section de l’emploi. Un projet de l’envoyer en Belgique pour y acquérir l’expérience d’un service de l’emploi fut abandonné en raison de sa situation familiale. Dans son nouveau poste elle trouva une activité stimulante, bien que souvent fatigante et, plus important encore, des relations amicales et plus humaines parmi ses collègues et avec son supérieur hiérarchique.

Une sympathique tradition de cette époque consistait pour le Directeur général, à féliciter les membres du personnel à l’occasion d’une promotion. Alice Golay reçut ainsi une lettre de David A. Morse le 7 janvier 1952. Elle y répondit le 11 janvier, le remerciant de la confiance qu’il avait placée en elle et l’assurant qu’elle ferait de son mieux pour accomplir ses nouvelles tâches dans le meilleur intérêt du service, participant ainsi à la poursuite de l’objectif commun de justice sociale.

Son chef direct était Donald L. Snyder qui la trouva « consciencieuse et très travailleuse, (dotée) d’un bon jugement et digne de confiance (…), coopérative et intelligente : un élément efficace et de valeur pour la Section ». Ses tâches, au cours des huit années qui suivirent, couvrirent une large palette de questions relatives à la situation de l’emploi et au marché du travail dans le contexte des services de l’emploi, de questions concernant les travailleurs âgés et les femmes, comprenant la préparation de quelque 600 résumés de documents chaque année. Elle participait à la recherche et, à l’occasion, assurait des travaux de traduction. Ce n’était sans doute pas un travail bien passionnant pour une personne de sa sensibilité.

Bien que son nom n’apparut pas en tant qu’auteur (à l’époque, les travaux de la plupart des fonctionnaires étaient publiés anonymement), elle écrivit des notes pour Industrie et Travail et pour la Revue internationale du Travail (deux articles [RIT, juin 1954 et juillet 1955] sur l’emploi des travailleurs âgés et sur les femmes âgées), un rapport pour la commission des industries du textile (1958), un chapitre du rapport sur L’âge de la retraite pour la Conférence régionale européenne (1955) et un rapport sur l’emploi des travailleuses âgées destiné au Comite des Nations Unies sur le statut des femmes (9ème  session, mars 1955). A propos de ce dernier rapport, elle avoua dans son journal : « Je ne connais pas le premier mot de cette question. Fabriquer une telle étude en six semaines, à moi seule : une histoire de fou ». Et pourtant, elle l’a fait !

Elle courait après le temps pour se consacrer à son oeuvre littéraire. Dans son journal, elle évoque son emploi du temps quotidien : « Bureau : 8 heures ; travail pour le bureau chaque soir : 2 heures minimum sans compter le dimanche ; quatre trajets par tram d’une demi-heure chacun : 2 heures ; trois repas : 2 heures et demie ; total : 14 heures et demie. Dans ces conditions, comment songer à écrire, ne serait-ce que des notes de carnet ? ».

Alice Golay entretenait de bonnes relations avec ses collègues. L’une d’elles, Antoinette Béguin, s’en souvient encore comme d’ « une personne charmante, chaleureuse, douce et amicale. Elle s’intéressait aux gens mais n’était jamais envahissante ou indiscrète. Elle avait le sens de l’humour, mais avec gentillesse et jamais aux dépens de quiconque ». Elle trouvait son inspiration dans la vie au bureau mais, comme elle l’a expliqué, « n’est-ce pas pour donner en quelque sorte du relief à certains de tes modèles, c’est à dire à ceux qui t’entourent dans ta vie quotidienne, avec qui tu travailles au bureau, que tu ne peux t’empêcher, en pensée, de les modifier, de les gauchir, de les gommer en partie, et en même temps de leur ajouter quelque chose, d’exagérer certains de leur gestes, de leur prêter des qualités et des défauts qui ne sont pas forcément les leurs, des comportements dans lesquels tu les enfermes – ayant ainsi l’impression de les élever parfois au-dessus d’eux-mêmes, ou au contraire de les abaisser, voire de les réincarner dans un être tout à fait nouveau, devenu personnage de roman ».

Libre et reconnue

Le 4 mai1958, Alice Golay note dans son journal : « Maman est morte au cours d’un long sommeil sans angoisse ». Sa tristesse se mêlait d’un sentiment de soulagement à l’idée d’être à nouveau libre d’entamer une nouvelle vie.

Un deuxième événement intervint : une offre de contrat de la Fondation Pro Helvetia, qui hâta sa décision de se consacrer entièrement à l’écriture : « Tournant important de mon existence. Petit fait gros de conséquences puisqu’il m’incite à démissionner du BIT plutôt que je n’avais pensé à le faire dans le meilleur des cas, c’est à dire avant l’âge de la retraite. J’espère que je pourrai réaliser enfin ce à quoi depuis longtemps je rêve », tel que la rédaction de ses carnets quotidiens. Ainsi donna-t-elle sa démission le 12 février 1959 pour prendre effet en août. Elle avait 58 ans, elle était libre de poursuivre ses ambitions littéraires, ainsi que la musique et la peinture.

C’est avec un peu de tristesse que l’on peut lire dans son journal : « Aujourd’hui, 31 juillet 1959, mon dernier jour au BIT… En additionnant les années pendant lesquelles j’ai travaillé dans cette institution, entre les deux guerres et depuis la dernière guerre, cela donne vingt-cinq ans et quelques mois, toutes mes meilleures années perdues, exception faite des années de guerre où, pour la première fois, j’ai eu du temps libre pour écrire ».

Dans les années qui suivirent, elle publia : Sans Alcool (1961), Comptez vos Jours (1966), Creux ile la Vague (1967), Ce Nom qui n’est pas le Mien (1980), Trace de Vie, Carnets 1939-1982 (1983) et Jean-Georges Lossier, Poésie et Vie intérieure (1986). Plusieurs de ses livres sont actuellement en cours de réimpression par la maison d’édition « L’Air » ainsi les lecteurs pourront à nouveau savourer son œuvres. De prestigieux Prix littéraires ont récompensé ses œuvres et une plaque a été apposée sur l’immeuble du 5 avenue Théodore-Weber où elle vécut de 1932 à 1992. Elle passa ses dernières  années à la maison de retraite « les Mimosas » : elle y mourut le 27 février 1998.

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1 En particulier les dossiers P.1648, P.6/8 pt.II, PD 611120. J’exprime ma reconnaissance pour la permission qui m’a été donnée de reproduire des éléments de la collection des Archives du BIT et pour l’aimable assistance qui m’a été donnée par l’archiviste Remo Becci et M. J.-J. Chevron pour la Traduction en français.

2 Son intelligence, et sa capacité à maintenir une stricte discipline parmi un personnel nombreux et hétérogène, travaillant dans des conditions considérablement plus pénibles que dans d’autres unités, (extrait du rapport annuel de 1935).